La réception de l’ouvrage : les aspects pratiques et méthodologiques
Lundi 27 Juin 2016
LES TROIS TYPES DE RÉCEPTION
1 – La réception expresse
Le procès-verbal de réception est le document écrit qui constate la réception. Pour être valable, il doit être signé par les deux parties pour respecter le contradictoire :
- Le maître d’ouvrage ;
- L’entreprise concernée ;
La volonté de l’entreprise ne pourra pas être retenue si la réception ne présente pas, à son égard, un caractère contradictoire. Ainsi, un procès-verbal que l’entrepreneur a refusé de signer ne sera pas valable.
Néanmoins, une jurisprudence récente indique que la réception contradictoire ne nécessite pas la signature formelle du procès-verbal par l’entreprise concernée dès lors que sa participation aux opérations ne fait de doute (Civ. 3e, 12 janvier 2012) ;
Il ne peut ainsi y avoir réception dans l’hypothèse d’une déclaration d’achèvement des travaux faite par le seul architecte ou par le seul maître d’ouvrage. Il en va de même dans l’hypothèse où la constatation des travaux serait intervenue :
- Entre l’entrepreneur et l’architecte ;
- Entre un entrepreneur principal et son sous-traitant ;
- Entre deux sous-traitants
- Par un simple constat d’huissier décrivant les travaux à la demande de l’une de parties ;
Même si cela est souvent le cas, le PV n’a pas obligatoirement à être signé par le maître d’œuvre.
- Que réceptionner ? la notion de réception unique
C’est l’ouvrage dans sa globalité qui doit être réceptionné en même temps, le même jour. En pratique, la réception se fait souvent lot par lot ou encore entreprise par entreprise. Il est cependant parfaitement possible de faire un PV unique pour l’ensemble de l’ouvrage, en notant contrat par contrat d’entreprise, ce qui relève de chaque corps d’état.
- Quand réceptionner ? Quand un ouvrage peut-il/doit-il être réceptionner ?
C’est la notion d’achèvement. L’ouvrage construit doit être globalement achevé pour pouvoir être réceptionné.
On peut faire une distinction entre les notions d’achèvement et de parachèvement. Le critère qui guide cette notion est l’habitabilité.
Ainsi, si des détails manquent ou si des imperfections existent, la réception est possible. Par contre, si des éléments essentiels de l’ouvrage manquent ou si les malfaçons sont graves et nuisent à l’habitabilité normale, la réception de doit pas être envisagée. L’entreprise doit être incitée à y remédier avant qu’elle soit envisagée.
Exception : la réception en l’état
Les circonstances imposent parfois de réceptionner un ouvrage alors qu’il n’est pas achevé :
- Cas rare : La décision du maître d’ouvrage de suspendre, voire d’arrêter totalement les travaux avant leur achèvement.
- Plus fréquent : La disparition de l’entreprise en cours de chantier (liquidation judiciaire de l’entreprise, décès de l’artisan). Dans ce cas, en règle générale, seul le lot concerné fait l’objet d’une réception.
Il arrive parfois, quand ce lot est important et qu’il sera difficile de remplacer l’entreprise, que le maître d’ouvrage décide de suspendre l’ensemble du chantier tant que l’entreprise ne sera pas remplacée. Dans ce cas, c’est l’ensemble des lots qui sera réceptionné en l’état.
- Qui réceptionne ?
C’est toujours le maître d’ouvrage qui prononce la réception, même s’il peut être assisté de son maître d’œuvre qui aura préparé la réception et qui le conseillera sur les réserves à inscrire au procès-verbal.
Si ce n’est pas l’entreprise qui prononce la réception, elle peut toutefois demander au maître d’ouvrage de la prononcer, en la provoquant.
Rappel : l’entreprise a intérêt à ce que son ouvrage fasse l’objet d’une réception (voir Réception de l’ouvrage : importance et conséquence).
2 – La réception judiciaire
C’est la réception prononcée par le juge.
Si le maître d’ouvrage et l’entreprise ne sont pas d’accord sur la réception (l’entreprise veut la réception et le maître d’ouvrage la refuse), le juge peut être saisi pour prononcer la réception à la place du maître d’ouvrage.
Une expertise judiciaire est un préalable obligatoire. Le cas n’est pas fréquent, mais néanmoins pas exceptionnel.
Exemple type :
L’entreprise estime avoir achevé son ouvrage et demande au maître d’ouvrage de le réceptionner et surtout de le lui payer, ce que ce dernier refuse, estimant l’ouvrage non acceptable.
En s’appuyant sur le rapport de l’Expert Judiciaire, le juge va apprécier si l’ouvrage était bien achevé et s’il devait être payé par le maître d’ouvrage. Sur l’avis de l’expert judiciaire, il va déterminer la date à laquelle la réception aurait pu/du être prononcée, il va lui-même la prononcer avec prise d’effet à cette date.
3 – La réception tacite
Très souvent, il n’existe pas de PV de réception ou il existe un document non valable (par exemple non signé des parties).
On peut considérer qu’il y a eu une réception valable des ouvrages, à condition que certaines conditions soient remplies :
- L’achèvement de l’ouvrage (à distinguer du parachèvement) par l’entreprise ;
- La prise de possession de l’ouvrage par le maître d’ouvrage sans contrainte ;
- Son acceptation par le maître d’ouvrage (notamment par le paiement intégral de l’entreprise) ;
Rappel, expresse, judiciaire ou tacite, la réception a toujours les mêmes conséquences juridiques (transfert de la garde, départ des garanties, …).
LES RÉSERVES À LA RÉCEPTION
Expresse, judiciaire ou tacite, la réception peut-être assortie de réserves.
Rappel : Distinction de l’achèvement (notion d’habitabilité) et du parachèvement (achèvement complet).
Les réserves ne concernent en principe que le parachèvement, et ne portent donc que sur des imperfections détectées lors de la réception, auxquelles l’entreprise doit remédier.. Elles sont normalement listées sur le procès-verbal de réception.
En cas d’inachèvement, la réception n’est en principe pas possible.
Attention aux réserves générales, elles n’ont aucun intérêt et présentent que des risques. Il faut dons les exclure.
LE CAS PARTICULIER DE LA RÉCEPTION DANS LE CCMI
CCMI (Contrat de construction de maison individuelle) : régime particulier issu d’une loi de 1990 :
1 – Ce que prévoit la loi concernant la réception dans le CCMI
Rappel du droit commun :
- Réception = achèvement des travaux ;
- C’est le maître d’ouvrage qui prononce la réception ;
Deux hypothèses sont envisagées par la loi :
- Réception avec l’assistance d’un professionnel
Droit commun : toutes les imperfections apparentes doivent être signalées au moment de la réception.
- Pas de réserves : paiement immédiat du solde du marché (soit 5%) ;
- Existence de réserves : consignation entre les mains d’un tiers des 5% qui ne seront versés au constructeur qu’à la levée des réserves ;
- Réception sans l’assistance d’un professionnel
Le maître d’ouvrage dispose d’un délai de 8 jours à compter de la réception pour compléter par LRAR la liste des réserves. Ce n’est qu’au terme de ce délai de 8 jours que :
- Pas de réserves : paiement immédiat du solde du marché (soit 5%) ;
- Existence de réserves : consignation entre les mains d’un tiers des 5% qui ne seront versés au constructeur qu’à la levée des réserves ;
Le bon conseil :
Conseiller au client de faire la réception seul, puis visiter le bien avec un expert bâtiment dans les 8 jours pour établir ou le cas échant compléter la liste des réserves.
2 – Enjeu pour le CMI d’obtenir une réception sans réserves
En l’absence de réserve, le constructeur :
- Obtient le paiement du solde du marché ;
- Se trouve décharger de toutes les malfaçons apparentes pour lesquelles le maître d’ouvrage n’aura plus aucun recours (il fera donc l’économie des travaux de leur reprise …) ;
Pour obtenir une réception sans réserve, les constructeurs sont prêts à tout :
- Le professionnel censé assisté le client peut être à la solde du constructeur et va donc minorer voire nier les malfaçons afin qu’elles ne soient pas inscrites au procès-verbal ;
- Chantage aux clés : réserve = pas de remise des clés au maître d’ouvrage ;
A retenir : les 5% du prix mis sous séquestre lors de la réception ne sont libérables qu’après la levée de la dernière réserve.
ASSISTANCE DU MAÎTRE D’OUVRAGE POUR LA RÉCEPTION
Réceptionner, c’est vérifier que l’ouvrage est conforme à ce qui a été commandé à l’entreprise.
La conformité s’entend toujours par rapport à une référence. En la matière, la référence c’est le contrat, mais pas seulement.
1 – Conformité par rapport au contrat
Il faut entendre le contrat au sens large. Il s’agit bien sûr du marché, mais aussi de toutes les pièces auxquelles le marché se réfère :
- Le CCTP ou descriptif ;
- Le devis de l’entreprise ;
- Les DTU ;
- Les normes ou avis techniques ;
- Les labels (promotélec, etc …) ;
Ainsi, pour pouvoir assister le maître d’ouvrage lors de la réception, il est IMERATIF que l’expert bâtiment dispose de ces éléments à l’avance et de les avoir étudiés. A tout le moins, il est nécessaire d’avoir les pièces contractuelles à portée de main lors de la réception, pour pouvoir s’y référer.
Réceptionner sans ces pièces, c’est prendre le risque de mal conseiller son client.
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JB